Poser les premières pierres d’une équipe Produit auto-organisée

L’équipe Web Aroma-Zone a hérité d’un projet développé en mode build, mis en prod, avec la nécessité d’être maintenu, d’évoluer, et de répondre à des enjeux business extrêmement forts. Elle a dû s'approprier simultanément la tech, le produit et son cadre organisationnel. Pour l’aider dans ce sens j’ai axé mon intervention de 4 mois sur les aspects suivants : le Delivery, l'autonomie et l'auto-organisation.

Écrit par
Samuel Davoise
Date de publication
22/10/24
Poser les premières pierres d’une équipe Produit auto-organisée

Je suis intervenu en tant que Coach Agile au sein de l’équipe web d’Aroma-Zone. J’ai passé 4 mois avec l’équipe, dans une organisation d’une quinzaine de personnes, au sein de la direction e-commerce. Le Produit digital, sous forme de plateforme web desktop et mobile permet aux utilisateurs de constituer leurs recettes, dans l’esprit DIY (Do It Yourself) et de commander des produits d’aromathérapie en conséquence.

C’est aussi ma première mission en tant que free-lance. J’ai joué mon propre commercial, travaillé la relation client, expliqué ce que j’allais faire. Autant dire que je n’en menais pas large au départ.

Le contexte

Je suis intervenu dans une phase de forte transition. Les enjeux principaux sont de :

  • Passer d’un mode Build à un mode Run : de longs développements externalisés avait été réalisés et livrés “d’un bloc” avec les conséquences qu’on peut imaginer : une expérience fortement modifiée pour les utilisateurs, une stack technique à maintenir et faire évoluer. Et aussi une équipe en interne qui a dû se réapproprier sa façon de travailler.
  • Passer d’un mode orienté Projet à un mode orienté Produit : l’organisation souhaite renforcer son organisation Produit, pour dédier du temps à la Discovery. Cela passe donc par une plus grande autonomie de l’équipe au quotidien dans le delivery.
  • Fonctionner en full remote : les membres de l’équipe sont dispersés aux quatre coins de la France, parfois en Europe.

Lecture de l’accompagnement

Pour accompagner les équipes avec qui je travaille, j’adopte une approche systémique. J’ai travaillé avec Nicolas Poitelon chez Meetic. Cela me permet d’avoir une lecture claire qui me permet de définir sur quoi il faut agir c’est-à-dire où agir dans le flow Produit. Cette philosophie est décrite dans le framework Fluho https://www.fluho.fr/framework

Il faut appréhender l’intervention comme une étape d’une plus grande histoire de l’organisation. Aujourd’hui le focus est mis sur la phase de “Product Delivery” de l’équipe.

Pour donner une ligne directrice dans ma mission, je partage avec l’organisation sur quels axes il est le plus important d’avancer :

  • Discovery : Maximiser l'impact
  • Delivery : Optimiser l’effort
  • Focus : Mettre les solutions dans la mains des utilisateurs le plus vite possible
  • Autonomie : Être capable d'identifier, analyser, délivrer pour résoudre les problèmes des utilisateurs
  • Auto-organisation : Être capable de s'adapter rapidement aux enjeux de l'entreprise sans surcoût d'encadrement et sans faire augmenter la complexité

Ont été privilégiés le Delivery, l’autonomie et l’Auto-organisation. La vision est que l’équipe est autonome dans son Delivery, qu’elle s’approprie son cadre de travail afin de pouvoir l’améliorer

Bien appréhender le contexte

Quand on rejoint une équipe, il est bien illusoire de penser qu’on part de rien. Évidemment comme pour un projet technique, l’organisation possède un existant.

  • Identifier les choses existantes et surtout ce qui fonctionne : ici un JIRA très documenté, un premier flow global, des moments d’équipes efficaces sur les expertises techniques.
  • Discuter avec chaque personne de l’équipe, apprendre à connaître l’histoire de chacun et leur rôle dans l’équipe, expliquer aussi mon rôle et ma vision.
  • Identifier les premiers pain points qui bloquent l’équipe et le partager.
  • Travailler avec l’équipe sur une première identification de son cadre de travail avec un atelier Health Check dans les 2 premières semaines de la mission.

Ce temps d’observation permet d’abord de bien appréhender l’existant, et aussi de prendre du recul pour ne pas partir dans des solutions simplistes et surtout sans le mandat de l’équipe et de l’organisation. Ce serait “infliger de l’aide”, et c’est inefficace.

Démarrer sur de bonnes bases

Arrive le temps des premières propositions et actions associées. Le mot d’ordre est “essayons”. Puis prenons du feedback, arrêtons, continuons, adaptons. L’objectif est ici de poser les premières pierres d’un framework : 

  • Partir du Scrum d’une semaine : inspiré par les retours d’expérience de Scrum Life, j’ai proposé de faire du Scrum avec des sprints d’une semaine. Scrum parce que facile à expliquer et à mettre en place pour commencer, et des sprints d’une semaine pour avoir une boucle de feedback très régulière.
  • Faciliter, faciliter, faciliter : travailler au quotidien avec l’équipe c’est être à l’écoute de tous les moments où on peut apporter de la valeur. Il est plaisant (et important) de mettre les mains dans le cambouis : aider les tech dans son système de release et à rendre les mises en prod moins douloureuses (plus petites, plus fréquentes), aider la QA à rendre visible le flow de review, inciter le travail en petit groupe, aider le PO a nettoyer le backlog etc.
  • Rendre le cadre visible : le défi du remote impose d’illustrer quasi systématiquement les actions entreprises sur le cadre de travail. En l’illustrant (sous Miro), il est plus facile de travailler avec l’équipe sur son amélioration.
  • Engager l’amélioration continue : réunir les acteurs, faire émerger les problèmes d’organisation et chercher des solutions ensemble, c’est le propre de la rétrospective. A partir d’un framework de départ, il est plus simple de définir ensemble comment l’améliorer.

Les changement majeurs dans le Delivery

Chaque mission est unique. C’est le propre de mon approche de s’adapter au besoin d’organisation du client. Les points d’attention et les changements majeurs diffèrent donc d’une mission à l’autre. Et ici alors, qu’est-ce qui a changé le plus ?

  • Réduire la complexité du flow : en héritant d’un backlog sous JIRA, le travail fastidieux de clarification et de simplification est essentiel. Non seulement du contenu, mais évidemment du flow qui permet de l’articuler. Gérer des objets de la bonne taille en fonction des phases : les EPICs pour les initiatives, les stories et les tâches indépendantes pour ce qui rentre dans le backlog à délivrer.
  • Maîtriser la qualité, réduire la dette technique et fonctionnelle. Le passage d’un mode build à un mode run a rendu indispensable de bien différencier les defects des bugs, et de clarifier flow de chaque.
  • Mettre en place de l’amélioration continue était une des plus grandes attentes de l’équipe. Animer les rétros et également donner les clés pour les réaliser en autonomie, avec des formats légers et actionnables (starfish, lean coffee)
  • Les bons rendez-vous réguliers, en travaillant sur l’efficacité des événements Scrum. En 4 mois le daily scrum le matin a changé au moins 3 fois de format. Des choses ont été tentées, certaines ont échoué. L’équipe a eu la main pour définir sa meilleure façon de commencer la journée. La fréquence de refinement a augmenté. Les décisions importantes sur l’organisation se prennent ensemble, dev front & back, Produit, Design, QA
  • Inviter le feedback extérieur. En réalisant des démonstrations des incréments du Produit, avec les parties prenantes (Direction technique, CRM, Service Client…), l’équipe a communiqué vers l’extérieur, et surtout a pu récolter du feedback souvent précieux. Et au-delà de cette initiative, il y a le message d’agilité qui se transmet.
  • Collaborer : l’équilibre entre focus et temps accordé à la préparation n’est pas toujours évident à trouver et l’équipe a été soucieuse d’utiliser son temps de collaboration de manière efficace. La mesure du temps investi via des ROTI (Return Of Time Invest) permet de voir si le temps passé ensemble apporte de la valeur. La règle des deux pieds et les ateliers de réflexion sur l’organisation sur la base de volontariat a permis aussi à l’équipe de s'approprier son cadre.
  • Fonctionner sans coach : évidemment la mission s’arrête à un moment donné. La satisfaction est quand l’équipe a bien évolué. Un second atelier de Health Check permet de mesurer les accomplissements réalisés et d'apporter les prochains défis d’organisation à l’équipe. Une superbe histoire attend l’équipe et elle a toutes les clés en main, et les atouts, pour atteindre ses objectifs.

Du mode Projet vers le mode Produit

Avec un Delivery plus clarifié, l’équipe Produit, qui s’est renforcée, sort doucement du mode Projet hérité de la longue période de build pour passer dans un mode beaucoup plus Produit :

  • Adopter une approche orientée utilisateur : mettre en regard le bénéfice pour l’utilisateur pour privilégier ce qui apporte vraiment de la valeur, et pas juste parce qu’on avait dit un jour “qu’il faut le faire”.
  • Augmenter la data : un constat est apparu assez rapidement que la data n'était pas suffisante pour bien comprendre les comportements utilisateurs. Des initiatives de tracking ont vite fait leur chemin dans le backlog de l’équipe.
  • Adopter une démarche itérative : en s’appuyant sur une bonne capacité à choisir ses batailles, l’équipe Produit prépare les initiatives en intégrant le plus possible l’équipe de réalisation dans la démarche. Les EPICs commencent à être versionnées, des ordres de réalisation cohérents sont adoptés pour aller chercher le feedback utilisateur.
  • Collaborer dans la construction d’une initiative majeure en utilisant le Story Mapping, avec les expertises de chacun (design, service client, tech), construire ensemble le flow utilisateur cible pour faire émerger une compréhension commune.
  • Se projeter ensemble sur un temps plus long. A partir d’une Roadmap orientée objectif, travailler collectivement à la réalisation du Plan de delivery dans la logique “pourquoi -> comment -> quoi”.

Takeaway

L’équipe Web Aroma-Zone a hérité d’un projet développé en mode build, mis en prod, avec la nécessité d’être maintenu, d’évoluer, et de répondre à des enjeux business extrêmement forts.

Dans ce contexte, l'équipe a dû s'approprier simultanément la tech, le produit et son cadre organisationnel. Pour l’aider dans ce sens j’ai axé mon intervention de 4 mois sur les aspects suivants :

  • Delivery : optimiser l’effort de réalisation en rendant le flow de travail plus clair et partagé
  • L’autonomie : permettre à l’équipe d’avoir toutes les clés qui lui permet de réalisation sa mission
  • L’auto-organisation : permettre à l’équipe de jouer avec son cadre de travail et l’améliorer en équipe

Et pour que ce soit possible, il était nécessaire d’avoir :

  • Le sponsoring de la Direction et du Management (Delphine, Anne, Alonso)
  • Une équipe Produit incroyable (Anne, Chaza, Emilie, Paul et Aurélien)
  • Une Team engagée (Anne-Charlotte, Jeff, Julien, Enzo, Yohan, Adil, Ahmed, Arkadiusz, Dzmitry, Daniel)