Nous sommes en 2019. Je travaille alors chez IZBERG en tant que Product Manager. On ne parle alors pas beaucoup d’OKR, d’alignement ou d’impact. J’avais d’ailleurs découvert le mot OKR quelques mois auparavant, sans le maîtriser pour autant.
Parfois on fait des choses sans savoir le nom qu’elles portent. C’est d’ailleurs quelque chose que je constate beaucoup auprès des équipes que j’accompagne.
C’est plus ou moins ce qui s’est passé à cette époque là.
IZBERG est un éditeur SaaS de solution de marketplace. C’est un marché porteur, mais complexe. Les use cases de marketplace sont d’une variété à la fois prometteuse et effrayante. D’une profondeur telle qu’il n’est pas facile pour un éditeur d’une trentaine de personnes de pouvoir tous les adresser. Impossible même. Mais alors comment choisir ? Et comment ne pas frustrer des personnes ?
Entre les Sales qui remontent des besoins du marché, les Professional Services à qui les utilisateurs font des retours quotidiennement, et l’équipe Produit qui a des chantiers fonctionnels de fond en tête ainsi que de la dette technique à traiter, pas facile d’aligner tout ce petit monde.
Transparence
En se nourrissant des besoins utilisateurs, du marché, des tendances et de la concurrence, bref de tout ce qui arrive à nos oreilles, nous avons créé avec le CTO une vision produit, de laquelle découle une stratégie que l’on a formalisée en 3 objectifs stratégiques produit.
Ces objectifs sont l'équivalent du compas magique de Jack Sparrow. Ils nous permettent de savoir dans quelle direction aller, comme vous allez le constater plus bas.
Visiblement nous utilisions donc le O de OKR sans le savoir.
Cette roadmap était affichée dans l’openspace sous forme de post-its. N’importe qui pouvait donc voir la roadmap.
Plus important encore, les 3 objectifs produits étaient affichés eux-aussi, au niveau de la roadmap. Pourquoi ? Car la roadmap n’est qu’une proposition d’initiatives visant à répondre à ces objectifs. Sans objectifs, la roadmap n’a pas de sens. Ce serait comme faire ses courses au supermarché sans savoir quel plat on veut préparer, ou prendre sa voiture pour partir en vacances sans même avoir de destination en tête.
En plus de la roadmap et des objectifs, un espace “boîte à idées” était disponible. N’importe qui dans l’organisation pouvait y déposer une idée d’initiative produit.
Inspection
Une roadmap n’est pas figée. C’est un plan que l’on adapte. Tout comme on change d’itinéraire en voiture quand il y a des bouchons, on adapte notre roadmap pour ajuster le plan en fonction de la réalité des choses.
Avant de changer les choses il faut déjà les inspecter.
Nous avions donc un point de revue de la roadmap mensuel, avec l’ensemble des personnes de l'entreprise. Commerciaux, marketing, avant-vente, customer success, support, account manager, développeur, scrum master, product manager, RH… tout ce beau monde réuni autour d’une cause commune, une fois par mois.
Partager ce qui est terminé
Durant ce point mensuel, on commence toujours par partager ce qui est terminé, et donc peut intéresser une autre équipe. Partager ce qui est commencé n’a que peu d’intérêt.
Dépiler la boîte à idées.
Je dépile ensuite les idées d’initiatives produit laissées dans la boîte, sous formes de post-its.
Si le sujet n’est pas clair, la personne concernée le clarifie, sinon nous regardons si cela répond aux objectifs stratégiques affichés :
- si ça contribue à l’objectif stratégique A on ajoute une gommette rouge au post-it
- si ça contribue à l’objectif stratégique B on ajoute une gommette verte au post-it
- si ça contribue à l’objectif stratégique C on ajoute une gommette bleue au post-it
Le jackpot ? Quand le post-it possède 3 gommettes. Dans ce cas, on sait que le sujet est clairement à considérer.
Et si le post-it n’a aucune gommette ? Et bien je peux alors regarder droit dans les yeux la personne qui a proposé ce sujet en lui expliquant de manière objective pourquoi nous ne traiterons pas son sujet, et mettre le post-it à la poubelle. Nous avions placé une poubelle à cet endroit de l'open space.
Adaptation
Une fois la boîte à idées vidée, il est temps de regarder s’il est nécessaire d’adapter la roadmap ou non.
“A date, voici le prochain sujet que nous allons attaquer. Est-ce que cela vous paraît toujours le sujet le plus important à traiter ou non au vu des évolutions du marché, et des idées d’initiatives abordées juste avant ?”
C’est le moment des conversations intéressantes. Le post-it ayant récolté 3 gommettes juste avant devrait-il passer en premier ? Si oui, alors on ne traitera pas tout de suite tel autre sujet, est-ce un problème ou non ? Les arguments qui le mois dernier expliquaient en quoi c’était un sujet vraiment très important vont-ils toujours faire mouche cette fois-ci ?
Cette discussion permet d’aligner les différentes parties prenantes. Sans faire de téléphone arabe. Les différentes parties prenantes comprennent alors les enjeux des autres. Les priorités sont partagées, transparentes. Cette revue de roadmap est finalement un catalyseur d’alignement des équipes.
Les objectifs nous permettent de garder le cap, et la roadmap n’est qu’un outil d’alignement.
Une fois les discussions effectuées, nous mettons à jour la roadmap. Si l’alignement est clair, alors cette mise à jour est simple à effectuer. Au début ça l’était moins. Parfois nous faisions un point à part pour continuer des discussions. Dans tous les cas je tranchais, en tant que PM. J’aime dire que le PM ne doit pas chercher le consensus, mais l’alignement. C’est une tâche compliquée, et c’est pour cela que c’est un métier compliqué, mais passionnant.
Et le mois prochain on recommence !
Bonus
Durant ce point mensuel nous passions également en revue la roadmap technique, faite par l’équipe dev, pour ne pas oublier la dette technique, et l’intégrer dans une réflexion globale produit.
J’en parlerai dans un autre article !
Comment je ferais mieux aujourd’hui ?
Nous ne connaissions pas bien la démarche OKR à cette époque là et cela se voyait. En effet, mis à part nos 3 objectifs produit macro, notre roadmap ressemblait davantage à une liste de features ou de projets clés pour le produit, plutôt qu’à une liste d’objectifs que nous voulons atteindre. Si c’était à refaire, je formulerais la roadmap autour d’‘objectifs à atteindre, afin d’axer sur la valeur, plutôt que sur les features.
Et enfin, je formaliserais des Key Results associés à chaque initiative, permettant de mesurer leur succès (ou non), et de décréter la fin d’un projet. Nous étions un peu à l’aveugle à ce niveau là et davantage sur du feeling que sur du factuel.